Il suffit de vivre une vie simple fondée sur la foi, mais ne passez pas à côté des ouvertures, si elles apparaissent. Nous sommes tous plus libres que nous ne le croyons. Il existe quatre modes différents de foi, nous permettant de franchir la porte sans porte.
Shinjin : se réfère avant tout aux moments où nous sommes saisis par la foi. C’est quelque peu dramatique. On se sent être une partie d’une réalité plus vaste. Cela peut être une extase. On vit encore, bien sûr, dans une forme d’illusion, bien que cette expérience se suffise à elle-même, on cherche à en faire quelque chose : un grand témoignage. Dans le Zen, on désigne cette expérience comme étant le satori ou kensho. Sous son emprise, il peut y avoir le sentiment d’une unité ou d’une justesse de toutes choses. On peut soudain penser : « Oh tout cela est, en fait, tellement simple !» Ces moments restent gravés dans la mémoire et deviennent une ressource. Ils procurent conviction et inspiration. Pourtant ils ne demeurent pas toujours et peuvent ne survenir qu’une fois ou deux au courant d’une vie, ou ne pas se produire du tout. Nombreux sont parmi les grands sages, ceux qui ont eu, durant leur vie, trois de ces expériences, souvent l’une très différente des deux autres. Mais il y a aussi de grands enseignants qui n’ont jamais eu des expériences aussi dramatiques. Peut-être n’en ont-ils pas besoin.
Anshin : Anshin est, par ailleurs, stable. Tranquille. De façon littérale, cela signifie cœur paisible. C’est l’arrière-plan de la vie qui va tellement de soi, qu’en fait, il n’y a pas grand-chose à dire. La plus grande part de notre énergie mentale est consacrée à des choses problématiques. Nous avons conscience de nous occuper de ce qui est pénible, de ce qui ne peut pas être résolu instinctivement. Mais anshin est tellement inscrit dans notre sang et dans nos os, que nous ne le remarquons guère. Nous pourrions dire que, dans une large mesure, c’est une foi inconsciente. Il s’agit là d’une base vraiment solide pour une vie spirituelle. Vous pourriez savoir qu’une personne détient anshin, quand vous la voyez réagir devant une difficulté inopinée. Alors que d’autres vont sombrer dans la panique, la personne en anshin devient calme et stable. Même si l’univers se dissout dans le feu, la personne en anshin passera au travers du feu et retournera naturellement dans les bras aimants de la vérité sans mesure.
Abhilasa : Il s’agit là de la bonne volonté – tout ce qui advient est bienvenu. L’image souvent utilisé pour cela est celle de l’aubergiste sur la route. Autrefois les gens marchaient, roulaient dans des charrettes ou montaient à cheval. Les voyages prenaient du temps. Au long du chemin, on s’arrêtait dans une auberge pour la nuit. Tenir une auberge, c’était rendre un service aux voyageurs. Chacun est un voyageur spirituel, engagé dans un voyage menant quelque part. L’aubergiste accueille tout un chacun, pourvoit à ses besoins essentiels : la nourriture, la boisson, un lit etc. et les remet sur le chemin. Peu importe qui ils sont ou vers quoi ils se dirigent. Il ne s’attache pas à eux, mais ils sont toujours les bienvenus. Une personne détenant abhilasa se comporte ainsi avec les évènements de la vie. Ils adviennent, ils nous occupent un moment, puis ils s’en vont. Si on peut s’occuper d’eux de manière saine, on le fait.
Bodaishin (Bodhicitta en sanscrit) : C’est la foi qui se manifeste dans l’altruisme. Cela signifie littéralement grand cœur sage. C’est le cœur du bodhisattva . Il jaillit essentiellement de la gratitude. Intérieure, il s’agit simplement de l’habitude de voir ce qui est positif – arroser les fleurs. Extérieurement, ce sont de petits (ou parfois de grands) actes de bonté ou des réactions qui aident autrui à trouver foi et libération – c’est une vie aimante. Bodaishin signifie courage. C’est courir le risque de faire une bonne action, au lieu de toujours jouer la prudence. Le bodhissatva n’est pas lié par les conventions, mais il fait ce qui doit être fait. Toute personne, vivant une vie de foi, dans un monde matérialiste et sceptique, témoigne d’un certain degré de bodaishin.
Ces quatre modes de foi ne sont pas, bien sûr ni exactement identiques, ni complètement s’éparés l’un de l’autre. Ils ne sont pas séquentiels. Ce sont des modes. Une personne ayant la foi est tantôt dans un mode, tantôt dans un autre. Les changements de mode ne sont ni choisis, ni délibérés. Ils sont plutôt comme le temps – ils dépendent de conditions.
(Dharmavidya - David Brazier et traduit par Annette)
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