Le bodhisattva, ayant fait demi-tour, vit la vie comme un don, et non comme une affaire commerciale. Il la vit dans la miséricorde plutôt que dans la justice.
LE SENTIER
Nous avons vu comment le fait de se détourner de l'engagement dans la vie conditionnée du samsara conduit à avancer dans sa quête spirituelle, à l’instar de Siddhartha Gotama lui-même. On voit aussi où aboutit cette quête elle-même lorsqu’on se détourne de la satisfaction d’un besoin spirituel en faveur d’un abandon total à la grâce, qui génère une deuxième et plus grande avancée.
Ainsi, le chemin commence par la reconnaissance de l'état insatisfaisant des choses et, surtout, de l'état insatisfaisant de notre propre nature. C'est dukkha. Jusqu'à ce que nous puissions faire face à cette réalité, nous vivons divers degrés d'évasion qui ne cessent de nous attirer dans la roue du samsara. Mais affronter dukkha, c'est aussi en être dégoûté et donc être poussé à vivre d'une manière nouvelle.
JAMAIS SEUL
Une fois reconnue notre nature de bombu, nous sommes prêts à nous tourner vers les Bouddhas qui ont fait vœu de faire tout leur possible pour notre bien. C'est le salut, c’est-à-dire vivre avec les Bouddhas dans une relation librement offerte. La vie d'une personne devient un don - un dana paramita. On fait offrande de toute chose, même de sa stupidité et du caprice de ses passions et on reçoit tout ce que les Bouddhas donnent et qui aboutit finalement à une grande paix.
L'idée que l'on n'est pas seul spirituellement, s’ajoute au fait que devant dukkha on est seul dans un sens plus conventionnel. En choisissant une vie authentique, on se détache de tous ceux qui mènent une vie mondaine. Cela ne signifie pas qu'on les rejette nécessairement physiquement, mais on sait intérieurement qu'on occupe maintenant un espace différent des autres, un espace spirituel, Néanmoins, dans cet espace spirituel on n'est pas seul, car on est en communion avec les bouddhas. De cette façon, même dans cette vie, on participe de la Terre Pure et, dans la vie à venir, on se dirige naturellement vers la lumière accueillante d'Amida.
VIVRE DANS L'ESPRIT DU BODHISATTVA
Cependant, bien que l'entrée en Terre Pure soit un don, qui peut nous inspirer et nous rafraîchir spirituellement, malgré tout, on se détourne à nouveau, par compassion. Nous retournons dans le monde des conditions, dotés de tout ce que les Bouddhas nous ont offert. C'est l'idéal du bodhisattva qui se détourne même du nirvana pour aider tous les êtres sensibles. L'esprit de paravritti s'applique donc là aussi.
C'est une image vraiment merveilleuse qui nous parle de manière profonde. Certaines personnes demandent si nous devrions prendre ces enseignements littéralement ou symboliquement. Elles veulent savoir si la Terre Pure est un endroit physique. En fait, nous n'avons aucune idée de la réponse que l’on pourrait apporter à ces questions, mais cela n'a pas d'importance, car ce ne sont pas vraiment les questions les plus utiles. Les grandes écritures du Mahayana sont pleines d'images étonnantes avec des bouddhas apparaissant dans les dix directions et des bodhisattvas qui jaillissent de la terre, et ainsi de suite. Il est inutile de se demander si c'est littéralement vrai. Ce qui compte, c'est de laisser le message pénétrer dans notre inconscient et de le laisser nous instruire à un niveau archétypal. C’est son esprit qui doit entrer dans notre rêve, dans notre vision juste. L’octuple chemin se déroule à partir de là.
L'image du bodhisattva qui, plutôt que d'entrer dans le nirvana, revient de la Terre Pure pour apporter réconfort et aide aux êtres souffrants est une inspiration qui nous transporte à travers le torrent du samsara et nous protège des mille démons qui autrement pourraient nous dévorer. C'est un autre pouvoir, venant de l'extérieur de l'ego, un pouvoir qui nous enveloppe et nous soutient. C'est le Dharma.
David Brazier le 17 novembre 2019, traduit en français par Annette et Vajrapala
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