Assumer secrètement les souffrances d'autrui

Question : Pouvez-vous en dire plus sur ce verset : "Apporter de l'aide et du bonheur à tous les autres êtres, et prendre secrètement sur moi, tout leur mal et leur souffrance. (Tiré des Huit versets de Guéshé Langri Thangpa dans le livre Nien Fo de l'école Amida). Les gens me disent : Je ne veux pas prendre sur moi le mal et la souffrance des autres, je ne peux pas le supporter, ce n'est pas sain de le faire.

Réponse courte : Le bouddhisme n'est pas une question d'avantage personnel.

Réponse plus longue : Bien sûr, la plupart des gens ne veulent pas assumer les souffrances des autres : la plupart des gens ne sont pas des bodhisattvas. Amida Bouddha assumerait volontiers nos souffrances si cela pouvait nous en soulageait. Quand on aime quelqu'un profondément et que cette personne bien-aimée souffre, on ressent naturellement : "J'aimerais pouvoir la prendre sur moi et l'en libérer". Dans une certaine mesure, nous le faisons tous - nous souffrons avec quelqu'un et lui donnons ainsi un certain soulagement plutôt que de le laisser souffrir seul. Nous faisons des choses qui nous coûtent du temps, de l'argent, de la santé, de l'énergie et ainsi de suite afin d'aider ceux que nous aimons. Si un ami est dans une situation désespérée, nous lui donnons peut-être un peu d'argent - maintenant qu'il a ce dont il a besoin et que  nous sommes moins bien lotis, nous avons pris une part de sa souffrance sur nous. Nous pourrions même faire en sorte qu'ils obtiennent de l'argent sans qu'ils sachent d'où il provient. Quand on écoute une autre personne parler de sa souffrance, on en prend une partie sur soi et on allège ainsi son fardeau. On aurait pu, bien sûr, se contenter de dire : "Je ne veux pas entendre parler de vos problèmes - ce n'est pas bon pour moi", mais nous ne le faisons pas. Finalement, il est préférable pour tout le monde d'avoir de la compassion.

                                 "Le bodhisattva ne se défend pas aux dépens des autres.                                                                    En assumant leur souffrance, il apporte la paix dans le monde."

Il y a une histoire d'un ermite bouddhiste qui était bien considéré par tout le monde. Un jour, une jeune femme du village est tombée enceinte. Elle ne voulait pas dire qui était le vrai père, alors elle a dit aux gens que c'était l'ermite qui l'avait séduite. Les gens se rendirent auprès de l'ermite pour lui rapporter les dires de la femme. Tout ce que l'ermite  dit, c'est "Vraiment ?". La réputation de l'ermite fut ruinée. Quand le bébé naquit les parents de la fille l'amenèrent à l'ermite en disant : "C'est ton bébé." Et l’ermite prit soin de lui. Finalement, la jeune fille n'a plus pu continuer à faire semblant et a avoué la vérité. Les parents vinrent auprès de l'ermite et s’excusèrent en disant qu'il n'était pas le père de l'enfant. L'ermite se contenta de dire : "Vraiment ?" Ils emmenèrent le bébé et l'ermite  reprit sa vie et sa pratique. L'histoire est probablement apocryphe, mais elle illustre un principe important. Parfois il nous arrive de bonnes choses, parfois de mauvaises. Parfois nous sommes compris, parfois incompris.  Parfois, d'autres personnes se débarrassent de  leurs problèmes sur nous. Parfois, ils les reprennent. Le bodhisattva ne se défend pas aux dépens des autres.

En assumant leurs souffrances, le bodhisattva apporte la paix dans le monde. Cela peut ne pas sembler évident à court terme et il peut être mal compris, mais il n'est pas là pour lui-même. En le faisant secrètement, il ne s’en attribue pas le mérite..

Les Huit versets ne sont pas un texte de la tradition de la Terre Pure. Ils sont un texte important dans le bouddhisme tibétain. Il existe une pratique analogue appelée tonglen. Traditionnellement, c'est une pratique de grande compassion pour les autres. Comme pour presque tous les aspects du bouddhisme, dans le monde moderne, de nombreux enseignants ont introduit une distorsion dans la pratique, en faisant de la compassion pour soi-même la forme principale, mais ce n'était pas la forme originelle. Le monde moderne se définit par une culture de soin personnel et d'égocentrisme, mais traditionnellement l'idéal du bodhisattva consiste à abandonner ou à renoncer à soi et à ne vivre qu’au service des autres. C'est un idéal ambitieux. Le texte le plus approfondi à ce sujet est le Guide pour le mode de vie du bodhisattva de Shantideva. C'est une prière pour pouvoir être ce dont les autres ont vraiment besoin. C'est le summum de l’altruisme.

En Terre Pure, nous reconnaissons ces idéaux, mais en même temps, nous reconnaissons aussi qu'en tant qu'êtres  ordinaires, nous manquons souvent du courage, de la volonté,  de la compassion ou de la  compréhension pour  réaliser ces idéaux. Il se peut que nous aimerions  être des bodhisattvas, mais nous constatons que trop souvent, nous nous préoccupons avant tout de nous-mêmes. Nous ne voulons pas entreprendre quoi que ce soit qui pourrait être désavantageux  ou malsain pour nous-mêmes. Les idées matérialistes et consuméristes ont fait de l'égoïsme une vertu à tel point que beaucoup de gens aujourd'hui sont complètement aveugles à toute autre option et trouvent ces enseignements choquants. Pour une personne aujourd’hui, il semble évident non seulement que les gens se mettent au premier plan, mais aussi qu'ils ont le devoir de le faire. Du point de vue bouddhiste, cependant, c'est une erreur majeure.

L'un des grands problèmes du monde actuel, par exemple, c'est que les gens des pays riches ne veulent pas aider les gens des pays pauvres et ne veulent donc pas qu'ils viennent dans les pays riches, parce qu’en ce cas, les gens des pays riches devront assumer une partie de la souffrance des immigrants pauvres. C'est compréhensible,, mais ce n'est pas du bouddhisme.

You need to be a member of David Brazier at La Ville au Roi (Eleusis) to add comments!

Join David Brazier at La Ville au Roi (Eleusis)

Email me when people reply –