Question: Quelle est la bonne attitude à adopter envers les sentiments de culpabilité?
Réponse courte: S’en vouloir pour ce que l’on est ne mène à rien et c’est gaspiller sa vie.
Réponse plus longue: Nous devons d'abord faire une distinction entre les sentiments de culpabilité et la culpabilité objective. Deuxièmement, nous devons tenir compte du fait que culpabilité et justification ont un rôle particulier dans notre culture, à cause d’une part de notre histoire de monothéisme et d’autre part des idées grecques et hébraïques sur la justice comme étant le bien suprême. Troisièmement, les sentiments de culpabilité sont étroitement liés à la fierté et à la vanité. Il s’agit en fait d’une agression contre nous-mêmes, dans la mesure où nous avons prouvé que nous ne sommes pas le genre de personne que nous voulons croire que nous sommes. Notre idéal de soi dit une chose alors que la réalité dit autre chose. Alors nous préférons nous punir nous-mêmes pour avoir trahi la vérité afin que nous puissions continuer à nous accrocher à notre illusion. Une autre façon d’exprimer cela est de dire que nous ne voulons pas faire face à notre ombre.
La nature humaine est profonde et complexe et provient d'une longue évolution et d’une histoire karmique. Nous avons en nous toutes les formes de tendances. Nous sommes des anges et des démons. Nous chérissons, préservons et protégeons la vie et nous sommes destructeurs et meurtriers. Nous nous respectons mutuellement, nous respectons les droits et la propriété des autres et nous sommes rivaux, avares, avides et enclins à prendre ce qui ne nous revient pas de droit. Nous utilisons des mots d’amour, de bonté et de compassion et nous nous livrons au commérage, nous mentons, nous tissons des écheveaux de demi-vérités, racontons des histoires exagérées et suscitons des querelles. Nous sommes des êtres sexués exprimant l'amour et accordant au corps un soin délicat et nous avons soif de toutes sortes de satisfactions qui, nous le savons, apporteront de la souffrance et des problèmes aux autres. Nous apprécions des habitudes de vie saines, mais sommes également extrêmement vulnérables aux compulsions et aux dépendances de toutes sortes. Au cours de notre évolution, les humains ont détruit de nombreuses autres espèces, mené d'innombrables guerres, violé, pillé, profané, trahi, abandonné et détruit et ont été eux-mêmes, victimes de toutes ces iniquités. Tout cela est en nous. Pris dans son ensemble, nous appelons cela l'ombre.
"Nous ne voulons pas voir en nous, les pulsions qui nous conduisent à devenir des victimes et des persécuteurs."
D'une manière générale, nous ne voulons pas voir cet aspect de nous-mêmes. Nous ne voulons pas voir le mal que nous faisons et surtout nous ne voulons pas voir en nous les pulsions qui nous conduisent à devenir des victimes et des persécuteurs. Nous ne voulons pas voir notre propre cupidité, notre haine ou notre arrogance. Cependant, le paradoxe est que moins nous sommes prêts à voir notre côté obscur, plus nous sommes susceptibles de manifester cela de manière subtile sans réaliser ce que nous faisons. Nous nous sentons dès lors coupables ou nous nous mentons à nous-mêmes alors que la preuve est devant nous. Cependant ces sentiments de culpabilité ne sont qu’une autre façon de nous poser nous-mêmes en victimes et une telle tromperie ne fait qu'alimenter la répression qui conduit à agir de la même manière. Typiquement donc, les gens ordinaires qui ont fait peu ou pas de travail sur eux-mêmes sont pris dans des cycles d'auto-gaspillage, gaspillant leur énergie vitale dans un effort pour effacer les preuves de la réalité de leur nature.
Le problème est particulièrement difficile dans une culture où la métaphysique dominante a été celle qui estime qu'à la fin de la vie, il sera tenu compte de tout ce que l'on a fait avec des conséquences terribles pour quiconque sera incapable de se justifier devant le tribunal suprême.
Le problème est plus facile dans le bouddhisme, car il n'y a pas à rendre des comptes lors d’un Jour de Jugement. Le karma s'accumule peu à peu et chaque acte intentionnel entraîne ses propres conséquences. Ainsi, le bouddhisme voit l'erreur, là où les religions du jugement voient le péché. Il est relativement plus facile et moins dommageable d'accepter que tout le monde commet des erreurs plutôt que de voir tout le monde comme un pécheur. Dans la première forme du monothéisme, bien que nous soyons tous des pécheurs, nous pouvions compter sur la miséricorde de Dieu, mais comme la croyance en Dieu s'est affaiblie, nous avons eu tendance à abandonner l'aspect salvifique sans perdre la part de jugement, ce qui est plutôt malheureux. Même ceux qui ne croient plus sont encore trop souvent chargés du poids de la part condamnatrice des attitudes qui correspondent à la croyance soi-disant abandonnée.
"Comme nous réalisons notre propre vulnérabilité et notre prédisposition à l'erreur, nous pouvons mieux comprendre qu’il doit en être de même pour tout un chacun."
La solution est donc de regarder profondément dans notre nature et d’y voir le yin et le yang. Cela nous permet de constater que nous sommes tous dans le même bateau, de nous rendre compte de notre propre vulnérabilité et de notre propension à l’erreur de sorte que nous pouvons mieux être conscient qu’il doit en être de même pour tous les autres. De là découle un sentiment d’amitié et de compréhension mutuelle, quelque chose dont notre monde a grandement besoin. C'est par ce moyen, plutôt que par l'inculcation de la culpabilité, que notre monde deviendra une communauté plus aimante et plus paisible.
Je ne suis pas très intelligent
Mon jugement est pauvre
Et je me juge plus sévèrement que d’autres.
C'est vrai que j'ai fait cette chose terrible
Et beaucoup d'autres choses encore
Alors maintenant .....
Je suis votre frère pour toujours.
David Brazier « Questions in the Sand » publié par Woodsmoke press (p.25 à 28)
traduit en français par Vajrapala
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