Métaphysique

Question: La métaphysique est-elle nécessaire?

Réponse courte: Vous ne pouvez pas vous en passer. Mais la plupart du temps elle reste inexprimé et forme une part intégrante des présupposés  que les gens considèrent comme allant de soi.

Réponse plus longue : Ce type de question est généralement enraciné dans la tendance réductionniste de notre culture, le désir de ne reconnaître comme « réelles »  que des données sensorielles concrètes.  Pourtant cette assertion est elle-même métaphysique. La métaphysique est l’étude de ce que nous considérons comme réel ou de ce que nous nous autorisons à admettre comme tel.  Ce sont aussi les règles de base et les concepts qui organisent et structurent fondamentalement notre pensée. Nous ne pouvons pas fonctionner sans une telle structure, mais nous pouvons garder à l'esprit qu'une telle structure n'est pas définitive.

Si nous essayons de réfléchir profondément à la vie, l'existence, le sens, les causes, les conséquences et à tout ce qui est, par ailleurs, d'une importance fondamentale, nous ne pouvons pas éviter de fonctionner selon l’une ou l’autre métaphysique. On ne peut pas choisir de n’avoir aucune métaphysique. Il s’agit d’opter pour l’une ou l’autre.

Alors, comment choisit-on? Il n'y a aucune méthode garantie, aucun moyen de savoir avec certitude ce qui est juste. C'est une des raisons pour lesquelles les gens sont réticents à examiner cela. Vous ne pouvez jamais être certains. En outre, si vous avez tort, alors il est probable qu’une grande part de ce que vous avez pensé sur la base de vos hypothèses erronées, va également devenir suspect.

Réfléchir à cette question nous confronte simplement à notre inévitable ignorance et à notre limitation. Nous n’avons pas sur les choses le point de vue de Dieu.  Par ailleurs, nous pouvons regarder autour de nous et voir la vie des autres. La perspective métaphysique propre à une personne  affectera sa vie. Nous pouvons, dans une certaine mesure,  porter un jugement  sur la base d'une telle observation. Et c’est ainsi que les gens prennent souvent leurs décisions, même si cela se fait, la plupart du temps, inconsciemment. Ils s’identifient  simplement à  certaines personnes dont l'attitude fondamentale déteint ensuite sur eux.

C’est pourquoi, dans le bouddhisme, il est probable qu’on est d’abord attiré, soit par un enseignant particulier, soit par un groupe particulier de Sangha. Ce n'est pas une mauvaise façon de procéder. Si vous voyez ce qu’il y a de bien chez ces personnes, alors si  leurs attitudes de base déteignent sur vous, ce n’est pas une mauvaise chose. Comme le dit le Bouddha : "Demeurez en bonne compagnie".

Peut-être, au début, pensez-vous  que certaines de leurs idées sont étranges et ne concordent pas avec ce que vous avez entendu ailleurs. Peut-être estimiez-vous que des personnes qui pensent de cette manière ne sauraient être saines, bonnes ou créatives, pourtant elles sont bien là ! Cela peut nous faire repenser.

L’activité même consistant à reconsidérer les bases, est précieuse. Peut-être, la première proposition métaphysique vraiment importante à retenir est que nous ne savons pas grand-chose. Cela nous  permettra d'éviter de trop nous attacher à nos certitudes préconçues.

Les gens qui essaient de rejeter la métaphysique ont souvent tendance à associer ce rejet à celui du dogmatisme. Cependant, leur propre rejet est souvent plutôt dogmatique et il n'y a en soi aucune raison pour que certaines propositions métaphysiques soient  affirmées  plus fermement que d'autres, sauf qu'elles servent souvent de support à une grande part de  ce que l'on croit.

En tout cas, le dogme n'est pas, en soi,  une mauvaise chose pour autant qu’on s’y tient de façon légère.  Tout ce que cela signifie vraiment est "axiomatique". La distance la plus courte entre deux points est une ligne droite est  un dogme de la géométrie euclidienne. De nos jours, il existe des géométries non-euclidiennes qui ont d'autres dogmes.

Ainsi, le bouddhisme enseigne un «chemin du milieu». Certaines choses doivent être acceptées «de manière dogmatique», mais il faut aussi se rappeler que c'est provisoire. Plus tard, on peut changer ses idées. Ainsi, le premier pas dans le bouddhisme est de prendre refuge dans les trois joyaux (Bouddha, Dharma et Sangha). Au fur et à mesure que l'on avance dans la voie bouddhiste, l'appréciation de ce que cela signifie va grandir et se développer et elle peut changer.

Le bouddhisme est «dogmatique» en ce qu'il comporte des axiomes, mais il n'est pas dogmatique au sens où il serait étroit et rigide. Le problème est vraiment lié à l'histoire occidentale. Tant de personnes ont été persécutées ou brûlées sur le bûcher pour avoir proclamé  les «mauvaises» idées que nous sommes maintenant particulièrement sensibles à cette question, ce qui est tout à fait compréhensible. Cependant, le bouddhisme est différent. Bien sûr, on n'aura pas d’emblée,  toutes les bonnes réponses  et on ne va pas être persécuté dans le bouddhisme pour une différence de doctrine.

Je suggère donc qu’on aborde cette question de manière détendue. Ne vous inquiétez pas. Tout deviendra  clair de temps en temps, puis redeviendra confus, puis de nouveau clair et ainsi de suite. Exclure toute idée de métaphysique est ce qui est le plus susceptible de nous rendre étroit d’esprit et de limiter notre exploration, alors détendez-vous !

La plupart des gens ont plusieurs systèmes métaphysiques fonctionnant simultanément, sans réaliser les incohérences que cela apporte à leur pensée - comme une bibliothèque dans laquelle plusieurs équipes travaillent, chacune  classant les livres selon un principe différent, si bien que les livres triés selon un système, sont retriés selon un autre et beaucoup de livres sont empilés sur le sol, n'appartenant pas encore à une catégorie particulière. La plupart du temps, nos têtes sont un peu comme ça. La réponse n'est pas dans l’obtention  d’un système de classification  parfait, mais d’un état d’esprit  plus détendu vis-à-vis de tout cela. Cela devrait être ainsi. Nous sommes des êtres humains.

 

(David Brazier, Questions the Sand, Woodsmoke  Press, 2017)  ( p. 4 à 7), traduit en français par Annette et Vajrapala

 

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