PARAVRITTI (Partie 7) : Négation

Paravritti, se retourner, c'est la négation.  Faire demi-tour ou abandonner est la négation de quelque chose qui était auparavant considéré comme important.

 

Les Occidentaux sont souvent perplexes devant la façon dont, bien souvent, les enseignements bouddhistes sont  formulés sous une forme négative. On nous enjoint de pratiquer la non-haine, la non-avidité, la non-illusion et ainsi de suite.  Cela a conduit certains enseignants à rechercher des formes " positives " de l'enseignement - des vertus plutôt que des contraintes.  C'est un effort louable, mais quelque chose se perd dans le processus.

 

LA SYLLABE " A ".

 Dans le bouddhisme dit ésotérique, qui comprend le Tantra tibétain et le Shingon japonais, on utilise beaucoup les mantras et parmi ceux-ci, la syllabe "A" joue un rôle central.  Dans le livre de T Yamasaki sur le Shingon, il est dit : " L'ensemble du système de doctrine et de pratique exposé dans le soutra Mahavairocana (texte clé du bouddhisme ésotérique) est symbolisé sous forme concentrée dans la syllabe - germe " A ". Le commentaire du soutra Mahavairocana dit : " La porte de la syllabe 'A' est le roi de tous les mantras ".

 

La syllabe "A" en sanskrit, mais aussi en anglais et généralement dans les langues indo-européennes, signifie la négation.  Elle signifie "ne pas" ou "être sans" ou est équivalente au suffixe "-less".  Ainsi, asymétrique signifie manque de symétrie, amoral signifie manque de moralité, etc.  Plus particulièrement, Amitabha signifie "lumière sans mesure" et Amitayus signifie "vie sans mesure".  Nous voyons donc que les objets centraux de la dévotion dans le bouddhisme incorporent ce principe de négation.

 

ABSENCE ET PERTE

 Dans la philosophie occidentale, l'existentialiste Jean-Paul Sartre a écrit sur l'importance de l'absence.  Quand quelque chose que nous attendons est absent, cela peut provoquer une émotion puissante.  Les pertes sont parmi les plus grands marqueurs dans le cours d'une vie.  Pourtant, d'un point de vue bouddhiste, c'est précisément au moment de la perte que la possibilité d’une illumination se présente.  De nombreuses grandes figures de l'histoire bouddhiste, telles que Nagarjuna, Honen, Dogen et, très probablement, Shakyamuni lui-même, ont été stimulées à se lancer sur la voie spirituelle en raison de l'impact d'une perte.  Nous disons que cette perte leur a fait prendre conscience de la réalité de l'impermanence.  L'impermanence est la manifestation de la négation de ce qui est considéré comme établi.

 

PUR ET IMPUR

 Une réflexion sur l'enseignement concernant l'esprit pur et impur en relation avec les êtres ordinaires, les pratyeka-bouddhas, les bodhisattvas et les bouddhas, permet de se faire une idée de ce qui caractérise le message bouddhiste.  Le terme pratyeka-bouddha fait référence à une personne qui devient illuminée par elle-même, parfois appelée " bouddha solitaire ".  Le terme prat(y)eka signifie littéralement " envers un ".  Dans le schéma bouddhiste des choses, les pratyeka-bouddhas ne jouissent pas d'un statut très élevé car, bien qu'ils parviennent à leurs propres réalisations, ils ne sont d'aucune utilité pour les autres.

 

Selon l'enseignement, les êtres ordinaires ont un esprit impur et les pratyeka-bouddhas ont un esprit pur. Cette distinction est en accord avec la pensée populaire sur la spiritualité.  Cependant, dans le bouddhisme, il y a d'autres idéaux plus importants.  Ainsi, les bodhisattvas ont un esprit à la fois pur et impur et les (vrais) bouddhas sont ceux dont l'esprit n'est ni pur ni impur.

 

SE DÉTOURNER MÊME DE L'ACCOMPLISSEMENT SPIRITUEL

Cet enseignement nous donne une idée de la façon dont un Bouddha a tourné le dos  même à l'accomplissement spirituel.  Un Bouddha n'est pas intéressé par la réalisation de la sainteté ou par l’obtention de son propre nirvana.  Un Bouddha est simplement plein d'amour et de compassion pour tous les êtres sensibles, mais d'une manière naturelle.  Ayant vu la situation existentielle actuelle, rien d'autre n'est possible.  Ainsi, Shâkyamuni s’est détourné des disciplines ascétiques, par lesquelles il essayait de devenir un pratyeka-bouddha, réalisant cela à sa manière, par lui-même, pour son propre bénéfice spirituel. Ce faisant, il a fait un pas de plus dans le monde et réalisa sa deuxième grande avancée dans le monde à la recherche de ceux qui " n'ont qu’un peu de poussière dans les yeux ".

David Brazier le 2 décembre 2019, traduit par Annette et Vajrapala

 

You need to be a member of David Brazier (Eleusis) to add comments!

Join David Brazier (Eleusis)

Email me when people reply –