Se détourner de et se tourner vers l'élément de la foi sont tous deux  d'une importance cruciale. Sans cela, le retournement n’est pas complet, car, pris d’une panique intérieure, nous nous accrochons à nos anciennes habitudes. Dans le cas du détournement, on peut arriver à un sentiment de répulsion, tout en retombant  dans de mauvaises habitudes. On peut céder à des obsessions et à des dépendances jusqu'à en devenir  malade et cela peut nous faire réfléchir. Cependant, on peut alors retomber dans ses vieilles habitudes. Pensez au nombre de personnes qui ont arrêté de fumer pendant un court laps de temps, mais qui ont vite recommencé.

Cela se produit parce que, même si cette habitude est détestable ou stupide, elle nous a quand même été utile  dans notre vie. Elle nourrissait  l'ego. Nous avons tendance à gratifier  nos mauvaises habitudes du terme de " besoins " et lorsque nous en sommes privés, nous nous sentons «  en manque » ". Pour supporter ce sentiment de manque, il faut avoir la foi. Le bouddhisme, c'est la foi dans la vacuité. L'ego se défend et veut toujours remplir le vide, généralement avec quelque chose de malsain.

De même, dans le cas de se tourner vers. On peut avoir une impulsion généreuse, mais c’est alors que surgit, comme de nulle part, une série de pensées incitant à la prudence. Bientôt, on est dissuadé ou, pourrait-on dire, Mara nous  dissuade. Dès lors, en tout cas, le moment est passé. Peut-être que l'on se sent maintenant mal dans sa peau, mais, quoi qu'il en soit, le fait est que l'occasion a été perdue. Pour ne pas céder à une telle lâcheté, il faut avoir la foi. La foi, c'est savoir ce que Mara prépare, mais c'est aussi agir.

 

LA FOI POUR PLONGER DANS LA VIE

La vie dans la  foi est donc aussi faite  de beaucoup de spontanéité, d'exubérance et d'enthousiasme. La forme de bouddhisme dont nous parlons ici n'est pas un bouddhisme de détachement froid. Ce n'est pas par une maîtrise de soi toujours plus grande que l'on se libère, mais en donnant libre cours à l'énergie de la joie, de la compassion et de la croyance en ce que l'on fait et vit.

On  pourrait se demander d’où vient une telle foi? Son fondement est la confiance dans le fait que des êtres tels que nous, vulnérables,  enclins à la lâcheté, à la  dépendance, l’obsession et la destructivité - sommes aimés et chéris par les Bouddhas. La lumière de leur sourire brille toujours  et même si nous vivons dans le domaine tourmenté de l'impermanence, il y a un esprit qui n'est pas impermanent et qui court comme un fil d'argent à travers toutes les dimensions de l'existence. Cet esprit s’éprouve dans le sentiment du vide. Il est au-delà de la pureté et de l'impureté. C'est la lumière qui vient du Tathagata qui regarde en arrière.

Dans le bouddhisme, on appelle cela le refuge. Nous nous mettons à l’abri du mal qui, sans cela, pourrait être fait par notre esprit égaré ; nous trouvons un abri, une demeure pure, où la vacuité est vécue, non pas comme quelque chose de terrifiant, mais comme une libération totale. Seuls, nous sommes enclins à paniquer, mais lorsque nous avons toujours à l’esprit le Bouddha  comme compagnon spirituel, nous pouvons faire demi-tour, affronter Mara et le vaincre, puisque rien ne nous en empêche. En trouvant le silence et le calme intérieurs, nous devenons invisibles à ses armées, et ce calme est alors vécu, non pas comme une perte, mais comme une légèreté et une aisance – ce  dont on peut, avec bonheur, être  reconnaissant.

Ainsi, lorsque le paravritti se produit, se conformer aux préceptes cesse d'être un effort et devient la seule façon naturelle d'agir. En fait, nous n'avons plus besoin de préceptes, car notre action naturelle sera ce que les préceptes tentent de nous indiquer. L'auto-puissance signifie exercer un effort pour se conformer à la voie, mais dans l’état de paravritti un tel effort est un non-effort.

CONCLUSION

Dans cette série de textes,  j'ai tenté de montrer comment paravritti nous donne le sens pratique de l'éveil spirituel et de la vie qui découle de l'éveil de la foi. Nous pouvons être inspirés par les exemples des Bouddhas et des ancêtres. Chacun d'entre eux s'est détourné de la séduction de la vie conventionnelle et de la posture sociale et a ainsi pu vivre une vie authentique. Ils étaient chacun très différents, conscients des limites de l’être humain, mais libres d’esprit.

Cette idée du retour en arrière peut s'appliquer aux nombreuses façons  dont nous pouvons faire l'expérience de la liberté naturelle. J'espère que cette exploration nous aidera à apprécier de nombreux et différents enseignements bouddhistes  qui nous inspirent tous à prendre un tournant crucial dans notre vie.

David Brazier Décembre 2019, traduit en Français par Annette et Vajrapala

 

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