Shariputra a dit : "C'est ici que vit un moine, répandant des pensées de bonne volonté dans toutes les directions. Il vit en les répandant partout, de toutes les manières, dans le monde entier, en abondance, sans restriction, sans limites, de manière pacifique, bienveillante. Il vit de la même manière en répandant des pensées de compassion, de joie sympathique et d'équanimité. C'est ce qu'on appelle la liberté mentale illimitée. Ainsi, un moine transcende le royaume de la conscience infinie, atteint et expérimente le royaume du vide. C'est ce qu'on appelle la liberté mentale, c'est-à-dire le vide...... C'est le vide de soi ou de tout ce qui est de la nature de soi. C'est ce qu'on appelle la liberté mentale qui est vide."
Ce passage nous aide à comprendre
- la nature des termes apparemment obscurs comme " royaume de la conscience infinie " et " royaume du vide " et " royaume de la vacuité".
- la nature de la libération ou de la liberté mentale
- la relation entre les Brahma Viharas et les dhyanas supérieurs.
La vacuité ou le vide - shunyata - au sens bouddhiste n'est clairement pas une sorte de vacuité passive de l'esprit, mais plutôt le fonctionnement de l'altruisme total qui se produit quand le soi ne fonctionne plus du tout. C'est de l'objectivité, non déformée par l'avidité, la haine et l'illusion. Shariputra poursuit en disant que c'est l’avidité, la haine et l'illusion qui marquent les limites de la liberté d'esprit. Dans le bouddhisme, la cupidité, la haine et l'illusion sont les composantes du moi. Quand le moi est absent, l'esprit rayonne naturellement de bonne volonté dans toutes les directions.
Nous pouvons en déduire que les dhyanas supérieurs ne se limitent pas à ce qui se passe lorsque l'on est assis les jambes croisées sur le sol. Répandre la bonne volonté dans toutes les directions est une recette pour une vie engagée tout autant que pour une vie contemplative : es deux ont leur place.
Nous pouvons aussi voir que l'enseignement sur les quatre Brahma Viharas - amour, compassion, joie et équanimité - n'est pas quelque chose de distinct de la pratique des dhyanas. Il ne s’agit pas de deux méditations séparées avec des méthodes et des buts différents. Les dhyanas supérieurs sont les Brahma Viharas et vice versa.
La conscience devient infinie quand il y a de la bonne volonté envers tous. Il s'agit d'une estime positive inconditionnelle. Le domaine du vide est la condition pour être libre de l'ego. C'est de l'empathie congruente. Nous pouvons facilement voir comment cet enseignement unit les idéaux de l'arahant (libéré de l'ego) et du bodhisattva (plein d'altruisme) qui en font les deux faces d'une même pièce. Etre un arahant et être un bodhisattva sont comme les pas de la marche. Chacun suit l'autre à l'infini.
Il est bon de contempler ces grands idéaux, même si l'on peut admettre que l'on ne les réalise pas en réalité. Ils nous ouvrent cependant sur la nature de Bouddha, la nature du Dharma et la nature du vrai Sangha et ce sont de bonnes choses à garder dans notre cœur.
David Brazier le 4 juillet 2019, traduit par Annette et Vajrapala
Replies