Bombes, victimes et persécuteurs

Question: S’agissant des récents attentats à la bombe à Bruxelles (mars 2016), vaut-il mieux souffrir ou infliger une injustice? Vaut-il mieux être la victime ou l'auteur?

Réponse courte: toutes les parties ont besoin de notre compassion et de notre compréhension.

Réponse plus longue: C'est une question complexe. Psychologiquement, nous savons qu'il semble plus facile pour une personne d'être dans la position du méchant que dans celle de la victime. C'est parce que les premiers sont plus en contrôle. Si l’on a fait quelque chose de mal et que l’on éprouve ensuite du remords, c’est pénible sur le moment, mais on sait qu’on a le choix et le pouvoir de vivre sa vie différemment à partir de maintenant. D'autre part, quand on a été victime, on n'a pas eu un tel contrôle et il peut sembler que rien ne puisse être fait pour empêcher que de telles choses ne se reproduisent à l'avenir, de sorte que l'anxiété qui s'installe peut être difficile à changer. Cependant, il est prouvé que la majorité des personnes, peut-être 80% des personnes ayant subi un traumatisme grave, sont redevenues tout à fait normales au bout de quelques années. Il existe donc des processus naturels permettant de récupérer et de reprendre confiance.

Si nous nous tournons vers les récents attentats à la bombe, nous voyons que d’autres facteurs interviennent. Les commentaires ci-dessus, concernant les victimes, s’appliquent encore. La plupart des survivants «s'en remettront » naturellement» et une minorité souffrira peut-être encore de symptômes post-traumatiques durant une longue période. En outre, beaucoup de personnes, n’ayant pas été directement  victimes, ressentiront un niveau d'anxiété accru. Bruxelles verra moins de touristes dans les deux prochaines années. Un petit nombre de personnes, ayant été victimes directes ou indirectes - certains membres de la famille de personnes tuées, par exemple - peuvent ressentir un besoin personnel de vengeance, et le public en général sera également plus enclin à soutenir des mesures de rétorsion.

Cependant, si nous  considérons ces dernières remarques sur le besoin de vengeance, puis examinons l’autre côté de l’équation politique, nous nous rendons vite compte qu’il doit y avoir, au Moyen – Orient,  davantage qu’en Europe, des personnes affectées de la même manière. Cela peut nous donner une idée de la raison pour laquelle ces événements se sont produits. Pourquoi quelqu'un voudrait-il nous attaquer? Eh bien, avez-vous remarqué ce que « nous » avons fait au Moyen-Orient depuis plusieurs décennies? Malheureusement, la querelle, ou la réponse du tac au tac, constitue  un scénario sans fin naturelle à moins que tous les protagonistes ne meurent,  ou que  le coût, pour toutes les parties concernées, semble devenir si prohibitif que l'épuisement s'installe. Nous devons espérer que bientôt l’ "œil pour oeil" évitera la "guerre à la guerre" et que  les personnes qui, maintenant, se  haïssent trouveront la sagesse de commencer à  se parler et à désamorcer la situation.

«La compassion doit être impartiale et inconditionnelle»

Le terme «terroriste» désigne essentiellement une personne dont l’intention est de créer la peur comme moyen de manipuler une situation politique. Au Moyen-Orient, actuellement, toutes les parties sont des terroristes en ce sens. Cependant, le carnage à Bruxelles aura bien plus d’écho dans la presse et s’accompagnera de plus d’indignation, que le carnage, bien plus important à Raqqah ou à Homs alors que les sentiments des victimes et de leurs proches ne seront pas moindres.

Malheureusement, cela signifie qu'aucun des principaux adversaires ne regrette ses réactions et que peu de gens ressentent beaucoup de compassion pour ceux «de l'autre camp». Instaurer la paix dans de telles situations nécessite des décisions fondées sur des jugements qui dépassent les positions partisanes, mais nous n’en voyons pas beaucoup pour le moment. Avant de s’améliorer, le problème va donc probablement s'aggraver «là-bas» comme «ici». Il est tentant de se lancer dans une analyse politique, mais j'essaie de me limiter à la question initiale.

Que dit le bouddhisme à propos de ce genre de situation? Qu'une sage compassion est nécessaire et que cette compassion doit être impartiale et inconditionnelle. Le bouddhisme ne s'intéresse guère à la «justice» sauf dans la mesure où il croit que le karma aura des conséquences naturelles. Quand  le karma a des conséquences néfastes, le rôle humain devrait être de comprendre et de faire preuve d’un soin attentif afin de créer les conditions d'un avenir meilleur. Cependant, lorsque les choses sont déjà arrivées à un tel point, la pacification exigera un compromis sérieux de la part de toutes les parties et, pour le moment, personne n'est disposé à le faire.

Faisons donc de notre mieux pour éviter d’être soit victimes, soit auteurs même si, dans les circonstances présentes, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Essayons aussi, autant que possible, de donner un peu de raison à ce qui est actuellement une affaire de plus en plus dangereuse, multiforme et sanglante.

You need to be a member of David Brazier at La Ville au Roi (Eleusis) to add comments!

Join David Brazier at La Ville au Roi (Eleusis)

Email me when people reply –