Bouddha et Derrida

Question : Derrida est réputé pour avoir dit qu'"il n'y a rien sans contexte" et je me demandais si sa pensée recouvre partiellement celle de l’origine dépendante.

Réponse courte : Certainement, mais... tout n'est pas impermanent.

Réponse plus longue : L'enseignement du Bouddha souligne que toutes les choses ordinaires -  abstraites aussi bien que concrètes - dépendent de conditions et sont donc sujettes au changement, à la décomposition et à la mort. Beaucoup de gens en Occident  considèrent  que  cette partie de son enseignement constitue sa totalité. Cependant, l'autre moitié de son enseignement est qu'il y a une possibilité de libération et que la libération est une question d'identification à ce qui n'est ni conditionnel, ni impermanent. Il a désigné cela par une variété de termes, mais le plus connu est le nirvana.

En ce sens, on pourrait dire qu’une large partie du bouddhisme occidental est plutôt de l’ordre de la philosophie que de la religion. C'est un bouddhisme dont on a retiré « le salut ». Cela signifie aussi, bien sûr, que l'intention fondamentale du Bouddha est ignorée. C'est sans doute parce que nous vivons à l'ère de l'ultra-matérialisme.

Dans le domaine philosophique, Bouddha et Derrida auraient, je suppose, été d'accord sur ce point. Toute signification ordinaire découle davantage du contexte que de la substance. Cela est clair, tant sur le plan logique que sur le plan empirique. Par exemple, quel est le "sens" des troubles actuels en France ? Réponses possibles : 1. La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie ; 2. une évolution vers la gestion raisonnable de l’économie moderne ; 3. la réaction d'une population qui s’ennuie et qui veut donner plus de vie aux choses ; 4. le trop plein d’une frustration attribuable à une multitude d’autres problèmes sociaux insolubles 5. L’impopularité du gouvernement. 6. La tentative  de  pouvoir de la part des syndicats etc. Il  importe peu que vous soyez politiquement de gauche ou de droite, que vous soyez sérieux ou futile,  que  vous ayez une perspective historique ou que vous soyez intéressé par le moment présent, dans chacun de ces cas, on suggère  que le contexte est « le sens » et j’imagine que le Bouddha admettrait que cela est toujours le  cas. 

Bouddha pourrait cependant ajouter que cette procédure pourrait se poursuivre  indéfiniment. Le contexte a  lui aussi un contexte et ainsi de suite à l'infini. Une des différences entre être dans le samsara et être dans le nirvana est donc que le samsara est une situation où la controverse continue à l'infini alors que le nirvana est "vide", car inconditionnel. Dans cette approche bouddhiste, la "vue juste" signifie avoir une perspective infinie dès le début. Cela coupe court ensuite à toute controverse. Au niveau le plus pratique, cela mène souvent à la question suivante : "Eh ! La belle affaire ?  Faut-il vraiment que les esprits s’échauffent sur ce point ?" Ainsi le bouddhisme apporte un peu de fraîcheur dans les situations explosives. Ça fait disparaître la fièvre. Bouddha était un type très cool. Son contexte était (à tout le moins) la totalité du cosmos: l'éternité.

Traduit par Annette et Vajrapala

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